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lundi 1 novembre 2010

Horacio Quiroga, El espectro, 2

De todas las mujeres que conocí en el mundo vivo, ninguna produjo en mí el efecto que Enid. La impresión fue tan fuerte que la imagen y el recuerdo mismo de todas las mujeres se borró. En mi alma se hizo de noche, donde se alzó un solo astro imperecedero: Enid. La sola posibilidad de que sus ojos llegaran a mirarme sin indiferencia, deteníame bruscamente el corazón. Y ante la idea de que alguna vez podía ser mía, la mandíbula me temblaba. ¡Enid!
Tenía ella entonces, cuando vivíamos en el mundo, la más divina belleza que la epopeya del cine ha lanzado a miles de leguas y expuesto a la mirada fija de los hombres. Sus ojos, sobre todo, fueron únicos ; y jamás terciopelo de mirada tuvo un marco de pestañas como los ojos de Enid; terciopelo azul, húmedo y reposado, como la felicidad que sollozaba en ella.
La desdicha me puso ante ella cuando ya estaba casada. No es ahora del caso ocultar nombres. Todos recuerdan a Duncan Wyoming, el extraordinario actor que, comenzando su carrera al mismo tiempo que William Hart, tuvo, como éste y a la par de éste, las mismas hondas virtudes de interpretación viril. Hart ha dado al cine todo lo que podíamos esperar de él, y es un astro que cae. De Wyoming, en cambio, no sabemos lo que podíamos haber visto, cuando apenas en el comienzo de su breve y fantástica carrera creó -como contraste con el empalagoso héroe actual—el tipo de varón rudo, áspero, feo, negligente y cuanto se quiera, pero hombre de la cabeza a los pies, por la sobriedad, el empuje y el carácter distintivos del sexo.

***

De toutes les femmes que j’ai connues dans le monde réel, aucune n’a produit en moi l’effet que me fit Enid. L’impression a été si forte que l’image et le souvenir même de toutes les femmes s’effacèrent. La nuit est tombée sur mon âme, où un astre impérissable s’est élevé : Enid. La seule hypothèse que ses yeux en viennent à me regarder sans indifférence faisait brusquement s’arrêter mon cœur. En outre, devant l’idée qu’un jour elle pouvait être mienne, mes dents claquaient. Enid ! Elle possédait alors, lorsque nous vivions en ce monde, la beauté la plus divine que l’épopée du cinéma eût envoyé à des milliers de lieues alentours et exposé au regard fixe des hommes. Ses yeux, surtout, étaient uniques ; et jamais un regard de velours n’eut un encadrement de cils tel que celui des yeux d’Enid : du velours bleu, humide et tranquille, comme le bonheur qui sanglotait en elle. Le malheur me mena à elle alors qu’elle était déjà mariée. Il n’est pas question, maintenant, de taire des noms. Tout le monde se souvient de Duncan Wyoming, l’extraordinaire acteur qui, en débutant sa carrière en même temps que William Hart, eut, comme celui-ci et simultanément avec celui-ci, les mêmes vertus profondes de l’interprétation virile. Hart a donné au cinéma tout ce que nous pouvions attendre de lui et c’est un astre qui chute. De Wyoming, au contraire, nous ne savons pas ce que nous aurions pu voir, lorsqu’au tout début de sa brève et fantastique carrière, il créa –en contraste avec l’ennuyeux héros actuel- le type d’homme grossier, renfrogné, laid, négligeant et tout ce qu’on veut, mais un homme de la tête aux pieds, par sa sobriété, son entrain et le signe distinctif de son sexe. 

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