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jeudi 25 novembre 2010

Il n'a pas deux sous d'idée

Beer at grandma's par DeufDeuf

Jacques Robert était l’heureux propriétaire de la brasserie du village.
Tout le monde l’appréciait et le surnommait affectueusement « Jacky le brave ». Mais, malgré sa popularité, Jacky n’était pas très futé -ce qui expliquait la deuxième partie de son surnom-.
En réalité, il ne réfléchissait pas beaucoup avant d’agir. Comme aurait dit mon grand-père : « Il n’a pas deux sous d’idée, çui-là ! ».
Presque chaque semaine, Jacky faisait quelque chose de travers. Le mois dernier par exemple, la télévision de la brasserie reçut un projectile lancé par un des spectateurs du match de foot qui n’avait pas apprécié que l’équipe adverse marque un but. L’écran avait une énorme fissure sur le côté droit. Cela n’était pas tellement gênant, mais Jacky décida de le réparer. Il sortit son plus beau ruban adhésif marron (sa femme n’en avait plus de transparent) et recouvrit la fissure. Il descendit de son escabeau, satisfait, et personne n’osa rien dire de peur de le vexer.
Jacky était aussi un amoureux du tuning. Il avait une grosse voiture bleue et argent qu’il avait ornée d’ailerons à l’arrière et d’énormes jantes lustrées. Il avait également mis en place de grosses enceintes dans son coffre. Sa dernière idée lui semblait lumineuse : placer des néons bleus sous la voiture pour ne pas passer inaperçu. N’ayant pas trouvé de néons convenables, Jacky décida d’acheter des néons standards et de les peindre en bleu avant de les fixer sous son petit bijou. Seulement, ces néons n’étaient pas conçus à cet effet. Mais le brave homme ne perdit pas espoir. Il attacha le tout tant bien que mal, fit un tas de branchements compliqués et finalement, les néons furent installés le soir même. Le lendemain, Jacky, fier comme un coq montra sa voiture à tous les clients de la brasserie. En fin d’après-midi, il alla faire un tour dans l’avenue principale du village. Au bout de deux allers-retours, un des néons tomba sur le sol, se brisa et emporta les autres dans sa course folle derrière le bolide. Jacky, qui avait mis la musique à fond, n’avait rien entendu. C’est sa femme qui, en courant vers lui et en lui faisant de grands signes au milieu du chemin, l’alerta.
Le brasseur, déçu que son bricolage n’ait pas tenu, se remit à l’ouvrage trois jours après avec de nouveaux néons et une nouvelle idée. Il n’y a pas besoin de préciser que cette idée fut tout aussi folle que la première et que les néons se brisèrent une fois de plus…
Dernièrement, la femme de Jacky l’appela pour un problème de fuite de la poire de douche. Celle-ci s’était dévissée et le calcaire l’avait bloquée. Jacky n’arrivait pas à revisser la poire et il se dit qu’avec l’aide d’un objet, ce serait beaucoup plus simple. Il envoya sa femme chercher la paire de ciseaux dont il se servait à la brasserie. Celle-ci revint en trottinant et elle lui demanda s’il était sûr de lui. Sans répondre, Jacky tenta de gratter le calcaire avec les lames. Ceci lui prit une bonne heure et quand il eut fini, il essaya de remettre le pommeau tant bien que mal. Je dirais plutôt mal d’ailleurs, au vu de ce que nous a raconté sa femme, très inquiète : les ciseaux ont dérapé et ont entaillé les doigts de son pauvre mari. Jacky servait désormais ses bières avec un bandage peu esthétique sur la main gauche qui, en fin de journée, était tout imprégné du liquide collant.
Je vais arrêter là ma liste des aventures de ce drôle de personnage car nous en aurions pour un moment… Je me demande tout de même comment le brave Jacky a fait pour ne pas se tuer, depuis le temps !

Traduction longue... Verdict!

Bon, bon, bon...
Sur les trois livres choisis, seul un conviendrait pour la traduction longue que nous devons faire.
Post Humo de Mario Valdovinos est vraiment intéressant, il y a des passages difficiles à traduire, des jeux de mots, des références culturelles à foison...mais il est trop court. La mise en page est assez aérée et après avoir compté deux ou trois fois le nombre de signes, je n'en atteins même pas 100.000 :/ (il nous en faut 150.000)
Y tú no me respondes de Poli Délano est un bon livre mais je n'y ai pas trouvé de grand intérêt pour la traduction. Je m'explique : étant donné que nous serons noté sur notre travail de traduction, il faut qu'il y ait tout de même des défis.
Le livre qui a retenu mon attention est donc le troisième : El maquillador de cadáveres de Jaime Casas. Je me suis rendu compte que ce livre a été édité quatre fois depuis sa première publication en 1996! Mais peu importe. Si je me concentre sur le travail universitaire, ce livre est plein d'humour, de références culturelles, il y a un changement de narrateur assez régulièrement (un narrateur extradigétique c'est à dire extérieur à l'histoire et un autre qui est le personnage principal). Ce changement de narrateur signifie un changement de ton très intéressant.
Je vais lire un autre livre plus récent du même auteur (de 2006 : Un actor sin escenario) mais je pense que mon choix est déjà fait...

Affaire à suivre...

jeudi 18 novembre 2010

Les aventures de Monsieur A et de Mémé Paulette.

Granny and Dog par Miro42
Voici un texte que j'ai du écrire en partant de mots que nous avons prononcés en cours cette après-midi.
Les mots étaient : 
- aisselles, 
- Médor, 
- oeil, 
- effroyant (oui, oui, effroyant et non effrayant),
- Monsieur A,
- banquet, 
- Montoise (les délicieux gâteaux de Mont-de-Marsan que nous avons eu le plaisir de découvrir aujourd'hui),
- cendrier, 
- Mémé Paulette, 
- pipe,
- le dernier des mohicans, 
- merci,
- foutre là,
- géniteur,
- plein aux as,
- papillonneur (honte à moi. J'ai créé ce mot à partir du verbe papillonner),
- brousse,
- Tabaski (prénom sénégalais),
- volage.

La liste est longue... Chaque apprenti traducteur passe par cet exercice toutes les semaines. Vous trouverez les textes de mes camarades sur le blog de notre formation Tradabordo!
En attendant, je vous souhaite une bonne lecture (n'hésitez pas à dire ce que vous en pensez!)


Monsieur A. était un homme d’origine polonaise. Il avait fait fortune dans sa jeunesse et vivait dans une immense villa avec piscine et majordome.
Monsieur A. n’avait pas encore rencontré la femme de sa vie. Il parcourait le monde et les trente-six pièces de sa demeure tout seul. Enfin, pas tout à fait. Médor, le chien de sa grand-mère le suivait où qu’il aille. Médor était un pékinois qui avait été recueilli par Mémé Paulette il y avait cinq ans. D’ailleurs, Mémé Paulette avait elle aussi été recueillie par son petit fils Monsieur A. Elle perdait un peu la tête mais c’était une brave femme. Monsieur A. pensait toutefois que s’il était encore seul à son âge, ça devait être à cause d’elle.
Pour en revenir à Médor, il fut adopté par cette riche héritière polonaise dans un aéroport. Ses parents, Brutus et Lady Froufrou avaient péri écrabouillés par un escalator. Ce terrible drame bouleversa à tout jamais le pauvre petit chien qu’on ne pouvait consoler qu’avec des Montoises, ses gâteaux préférés.
Un jour, Monsieur A. organisa un grand banquet pour son anniversaire. Il demanda gentiment à Mémé Paulette de ne pas trop se faire remarquer. Avant que les invités n’arrivent, Monsieur A se lava consciencieusement les aisselles et se fit une raie bien droite. Il se prépara ensuite une pipe qu’il avait achetée au cours d’un de ses nombreux voyages en Afrique. Un homme l’avait taillée dans une des défenses d’un éléphant de la brousse. Monsieur A. avait même eu le cendrier assorti, une aubaine !
Tout était fin prêt. La cloche sonna et Monsieur A. fit un clin d’œil à son majordome qui ouvrit grand les portes de la villa. Les convives entrèrent et vinrent saluer leur hôte.
Quand ils furent tous là, ils s’écrièrent en cœur : Joyeux Anniversaiiiire !
— Merci, répondit simplement Monsieur A. Et, après avoir porté un toast, il les invita à se diriger vers le buffet.
Mémé Paulette et Médor étaient sagement assis à une table et Mémé parlait avec un jeune couple. Monsieur A. les rejoignit et s’assit en faisant un léger pet.
— Pardon, dit-il tout bas en pensant que personne n’avait entendu.
— Mon petit, tu pourrais être plus délicat ! C’est effroyant ces manières !
— Voici Mémé Paulette, je ne vous l’ai pas présentée ? – dit Monsieur A. pour tenter de changer de sujet – Ah ! Un moustique ! Je vais l’avoir ce… Qu’est ce qu’il vient foutre là ?
— Tu sais mon chéri, je disais à ces charmantes personnes que mon film préféré était Le dernier des Mohicans. Vous ai-je dis que la petite sauce au tabaski était dé-li-cieuse ?
— Tabasco, Mémé, tabasco…
— Oui, bon, tabasco, tabaski, c’est pareil non ? Je vous laisse, Médor réclame ses Montoises. Allez Médor, viens voir maman !
Monsieur A. s’excusa auprès du couple et s’aperçut qu’il ne les avait jamais vus auparavant.
— Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ?
— Je m’appelle Yousténa et voici mon frère Maciej. Notre géniteur était un plombier polonais plein aux as. Un papillonneur…
— Un homme volage, vous voulez dire…
— Oui, exactement.
— Que puis-je faire pour vous ?
— À vrai dire, c’est un peu gênant… Votre grand-mère a recueilli Médor il y a maintenant cinq ans. À cette époque, notre père était en parfaite santé mais aujourd’hui, il est mourant. Sa dernière volonté serait de voir Médor une dernière fois.
— Oh, je comprends. Il n’y a aucun problème…
— Il faudrait que votre grand-mère accepte de… de venir avec nous à Varsovie.
— Ne vous en faites pas, je vais lui en parler.
N’hésitant pas une seconde, Monsieur A. appela sa grand-mère et en profita pour toucher le derrière (mou comme du pot-au-feu en gelée, quelle déception !) de Yousténa.
— Hé, Mémé ! Prépare ton sac et ton toutou ! Tu repars dans ton pays demain matin !

Mystère

years_keeping par darquekiddquinn12
 Voici mon texte sur le thème Mystère.
 J'ai eu beaucoup de mal à clore ce récit. Et vous, quelle fin auriez-vous imaginée?...



Il était une fois, il y a fort longtemps,  tout en haut d’une montagne enneigée, un petit village dont plus personne ne se rappelle le nom.
Ce village avait l’air tout à fait ordinaire. Il comptait peu d’habitants et ceux-ci étaient toujours d’humeur joyeuse. Les rares voyageurs qui faisaient escale en ce lieu alpestre étaient chaleureusement accueillis : le boulanger leur préparait ses fameux petits pains à la cannelle et les femmes confectionnaient de délicieuses tartes aux pommes.
Mais un jour, un étranger peu avenant arriva. Il n’adressa la parole à personne, sauf à l’aubergiste à qui il demanda une chambre. Il ne dîna même pas et alla se coucher immédiatement. Les habitants se dirent qu’il devait être exténué car l’accès au village était périlleux. Le lendemain matin, le boulanger lui apporta des petits pains directement à l’auberge. Mais l’étranger maugréa et n’y jeta pas un regard. Le boulanger s’empressa de raconter cet épisode à ses voisins et chacun se fit son opinion. L’homme rentra le soir à l’auberge et n’en sortit pas avant le lendemain matin.
Ceci dura plusieurs semaines. L’homme sortait le matin et rentrait la nuit. Les femmes se rassuraient en disant : « Au moins, il ne rode pas devant chez nous ! Et il ne fait de tort à personne. Laissons le tranquille… ».
Toutefois, leurs maris n’étaient pas du même avis. Ils se gardèrent pourtant de le dire jusqu’à ce qu’un beau jour, chaque habitant trouve une lettre cachetée sur le pas de sa porte.
Les lettres ne comportaient aucun nom. Il n’y avait aucun moyen de savoir d’où elles provenaient. En les ouvrant, tous furent surpris de ne rien lire : une figure était simplement dessinée au crayon. Une sorte d’animal inquiétant, comme un loup, entouré de volutes.
Tout les villageois restèrent perplexes. À la nuit tombée, certains ne purent dormir sur leurs deux oreilles car ce dessin les avait inquiétés. Qui était à l’origine de ce courrier mystérieux ? Les hommes pensaient à leur hôte.
Deux jours plus tard, le curieux postier passa à nouveau sans que personne ne pût le voir. Sur le palier de chaque maison se trouvait une seconde lettre. Cachetée elle aussi et contenant un dessin qui fit beaucoup réfléchir les pauvres gens. Cette fois, on pouvait deviner un cheval à l’orée d’un bois.
Celui qu’on appelait l’idiot du village, car lui-même ne savait plus comment il se nommait, avait été désigné pour passer la nuit sous le porche et surveiller les environs.
Mais cette nuit-là, le postier ne passa pas.
L’idiot passa une semaine entière dehors, et il ne vit rien. Les villageois décidèrent donc de laisser cette histoire de côté. L’un d’eux fit néanmoins remarquer que le voyageur arrivé quelques temps auparavant n’avait pas reparu depuis plusieurs jours. Les femmes et les enfants commencèrent à s’affoler et les hommes durent rassurer tout ce petit monde.
Un matin, tous tombèrent sur une troisième lettre mais celle-ci était blanche. Blanche oui, mais un tout petit oiseau, un pigeon ou une colombe, était esquissé dans un coin.
Tous les habitants du paisible village se rassemblèrent et se creusèrent la tête pour comprendre ces messages codés. Le voyageur n’avait toujours pas refait surface et l’aubergiste assurait qu’il n’avait pas récupéré la clé de la chambre.
Le charpentier, un homme rustre et sans manières, décida de faire irruption, la nuit venue, dans la chambre de l’inconnu.
Les hommes s’armèrent de patience et lorsque le soleil se fût couché, ils se dirigèrent vers l’auberge. En guise de salut, on leur ordonna de ne pas faire de bruit. L’aubergiste frappa mais personne ne répondit… Il força alors la porte et…

L’étranger n’était pas là.
Sur le mur, un dessin. Un dessin magnifique qui était tâché par de la cire rouge.
Les hommes, époustouflés par tant de beauté et de délicatesse furent comme obnubilés par les traits fins du visage qu’on avait représenté. Ils décidèrent de rentrer chez eux, à demi rassurés et en ayant, pensaient-ils, résolu le mystère des enveloppes : l’étranger devait tout simplement être un artiste qui préférait vivre reclus. Ses œuvres ne pouvaient faire de mal à personne.
Ce qu’ils ignoraient cependant, c’est que cette chambre n’était pas la sienne…


mardi 16 novembre 2010

Domingo F. Sarmiento, El Chacho (1898)

Voici un texte qui m'a donné du fil à retordre...
N'hésitez pas à commenter et à critiquer!

En septiembre de 1842, cuando todavía no dan paso las nieves que se acumulan durante el invierno sobre la areta central de los Andes, un grupo de viajeros pretendía desde Chile atravesar aquellas blancas soledades, en que valles de nieve conducen a crestas colosales de granito que es preciso escalar a pie, apoyándose en un báculo, evitando hundirse en abismos que cavan ríos corriendo a muchas varas debajo; y con los pies forrados en pieles, a fin de preservarse del contacto de la nieve que, deteniendo la sangre, mata localmente los músculos haciendo fatales quemaduras.
Los Penitentes ; columnas y agujas de nieve que forma el desigual deshielo, según que el aire o el sol hieren con más intensidad, decoran la escena, y embarazan el paso cual escombros y trozos de columnas de ruinas de gigantescos palacios de mármol. Los declives que el débil calor del sol no ataca, ofrecen planos más o menos inclinados, según la montaña que cubren, y descenso cómodo y lleno de novedad al viajero, que sentado se deja llevar por la gravitación, recorriendo a veces en segundos distancias de miles de varas. Este es quizá el único placer que permite aquella escena, en que lo blanco del paisaje sólo es accidentado por algunos negros picos demasiado perpendiculares para que la nieve se sostenga en sus flancos, formando contraste con el cielo azul-oscuro de las grandes alturas.
Los temporales son frecuentes en aquella estación, y aunque hay de distancia en distancia casuchas para guarecerse, si no se ha tenido la precaución de examinar el aspecto del campanario, que es el más elevado pico vecino, y asegurarse de que ninguna nubecilla corona sus agujas, o vapores cual lana desflecada empiezan a condensarse a sus flancos, grave riesgo se corre de perecer, perdido el rumbo entre casucha y casucha, casi cegadas por la caída de copos de nieve tan densa que no permite verse las manos.
Aquella vez no eran los viandantes ni el correísta que lleva la valija a espaldas de un mozo de cordillera, ni transeúntes, de ordinario extranjeros que buscan este arriesgado paso del Atlántico al Pacífico. Eran emigrados políticos que, a esa costa, regresaban a su patria contando con incorporarse al ejército del general La Madrid, antes que se diese la batalla que venía a librarle el general Oribe a marchas forzadas desde Córdoba.

***

En septembre 1842, quand les neiges qui s’accumulent pendant l’hiver sur l’arête centrale des Andes n’ont pas encore fondu, un groupe de voyageurs prétendait traverser ces blanches solitudes depuis le Chili. Là où des vallées de neige conduisent à des crêtes colossales de granit qu’il faut escalader à pied, en s’appuyant sur une canne et en évitant de s’enfoncer dans des abîmes que creusent des rivières qui coulent de nombreux mètres plus bas ; et avec les pieds recouverts de cuir, afin de se préserver du contact de la neige qui, en stoppant le sang, tue localement les muscles au moyen de fatales brûlures.
Les Pénitents : des colonnes et des aiguilles de neige formées par le dégel imparfait, selon si l’air et le soleil meurtrissent plus intensément. Ces décombres et ces morceaux de colonnes de ruines de gigantesques palais en marbre décorent la scène et gênent le passage. Les pentes que la faible chaleur du soleil n’attaque pas, offrent des plans plus ou moins inclinés, selon la montagne qu’elles couvrent, ainsi qu’une descente pratique et pleine de nouveauté au voyageur qui, assis, se laisse porter par la gravitation, parcourant parfois en quelques secondes, des dizaines de milliers de mètres. Cela est sans doute l’unique plaisir que permet cette scène, où le blanc du paysage n’est accidenté que par quelques pics noirs trop perpendiculaires pour que la neige demeure sur leurs flancs, formant un contraste avec le ciel bleu foncé des grandes altitudes. Les tempêtes sont fréquentes en cette saison-là. Bien qu’il y ait, entre chaque distance parcourue, des bicoques pour s’abriter, si on n’a pas pris la précaution d’examiner l’aspect du Campanario, qui est la pointe voisine la plus élevée, et de s’assurer qu’aucun petit nuage ne couronne ses aiguilles, ou que des vapeurs à la laine effrangée ne commencent à se condenser sur ses flancs, on court un grand risque de périr, la direction perdue de bicoque en bicoque, presque effacées par la chute de flocons de neige, si dense, qu’elle ne permet pas de voir ses mains. Cette fois-là, il ne s’agissait pas des promeneurs ou du facteur qui emmène sa sacoche sur le dos d’un porteur de cordillère, ni de passants, d’ordinaire des étrangers qui recherchent ce passage risqué de l’Atlantique au Pacifique. C’était des émigrés politiques qui, à ce prix, retournaient dans leur patrie avec l’intention d’entrer dans l’armée du Général La Madrid, avant de mettre les bouchées doubles pour livrer la bataille qui allait libérer le Général Oribe depuis Córdoba.

jeudi 11 novembre 2010

Entretien avec Nathalie Mege, traductrice (anglais)

Nathalie Mege est traductrice littéraire de l’anglais vers le français.
Elle a traduit (entre autres) Insoupçonnable de Lynda La Plante, Les Délaissés de  Richard Van Camp et L'Oiseau Moqueur de Sean Stewart.
Elle a gentiment accepté de répondre à mes questions que voici…

1) Comment en êtes vous venue à la traduction?
Enfant, j'ai toujours voulu comprendre et traduire les paroles de chanson en anglais, et j'écrivais déjà. Plus tard, ayant beaucoup de temps libre en licence, j'ai commencé à écrire et traduire pour des fanzines. Un auteur que j'adorais, James Tiptree Jr, venant de se suicider, j'ai traduit pour mon plaisir (et pour prolonger quelque chose de ma relation avec ses textes, j'imagine) ses deux dernières novellas parues dans une revue américaine. Puis, le déclic a été ma rencontre avec ma condisciple de l'époque, Nathalie Duport Serval, elle aussi étudiante en licence d'anglais à Bordeaux, mais déjà traductrice pour la revue Fiction. Nathalie m'a introduite auprès de la rédaction et m'a ainsi permis de proposer ces deux textes de Tiptree, qui ont été acceptés.

2) Quelle a été votre première traduction et quel souvenir en gardez-vous aujourd'hui?
Le premier ouvrage que j'ai "traduit" était un roman sentimental pseudohistorique sans intérêt pour moi, sinon qu'il fallait couper 40% du texte alors que l'intrigue se déroulait sur vingt ans et que l'héroïne irlandaise pondait une flopée d'enfants. Cet aspect là des choses (trancher dans le texte) s'est révélé assez jouissif puisque j'ai pu supprimer plusieurs personnages secondaires inutiles et que j'ai carrément dû imaginer toute une scène pour que l'intrigue tienne debout  malgré tout. Mais c'est sans doute un cas extrême en traduction et je ne recommanderais ce genre d'expérience à personne. 

Le premier ouvrage que j'ai traduit sans avoir à le charcuter "pour son bien" à la demande de l'éditeur était un polar de Sandra Scoppettone, pour la collection des Noirs de Natalie Beunat au Fleuve Noir. Le souvenir que j'en garde, c'est que je ne trouvais pas de titre à proposer alors que j'aimais beaucoup ce quatrième opus de la série des Lauren Laurano.  Et puis, au dernier moment, à deux heures du matin, la veille de la réunion avec les commerciaux, je me suis réveillée sur une trouvaille : "Toute la mort devant nous", et j'ai laissé un message sur la boîte vocale de Natalie. Tout le monde a aimé et mon unique proposition de titre a été adoptée.

3) Comment choisissez-vous les textes que vous traduisez?
On ne choisit pas toujours. Parfois, on a cette liberté, parfois pas… pour des questions d'amitié, ou d'argent, par exemple. Mais quand j'ai toute latitude pour répondre, je me fie à mon plaisir de lectrice, et à mon intuition : si des formulations françaises ne me viennent pas naturellement quand je lis l'anglais, c'est signe que je risque de m'arracher les cheveux sur ce texte même si je l'aime. Or, je tiens à mes cheveux. :-)

4) Quel est votre rapport avec les auteurs?
Bon, voire très bon, en général. Il arrive que certains aient du mal à comprendre notre travail et vivent mal nos questions, mais, dans mon expérience, c'est assez rare, du moment que l'on attend la toute fin de la traduction pour synthétiser nos interrogations par courriel.

En dehors de cet aspect de travail de compréhension du texte, les relations suivent tous les cas de figure de l'amitié littéraire : coups de foudre, franches rigolades, parfois paranoïa ou bouderie. De ce point de vue, une relation auteur / traducteur ressemble beaucoup à une relation auteur / auteur.

5) Et au niveau de l'édition, quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs?
Je pars du principe que 1) ce métier n'est pas assez rémunérateur pour m'obliger à bosser avec des gens dont je n'admire pas le travail et dont je n'apprécie pas la personnalité, et 2) nous sommes là pour collaborer dans l'intérêt du texte. Résultat, en général, ça se passe bien. 


6) Quels sont vos outils de travail lorsque vous traduisez?
MacMini sous Léopard, clavier et souris sans fil, écran de 21 pouces, navigateur Camino, GlimmerBlocker pour l'antipub sur le Net, Dropbox pour la sauvegarde, Evernote pour les prises de notes, Spotlight (outil de recherche du Mac qui plonge dans les glossaires que j'ai amassés sur mon disque dur au fil des années), ainsi que divers plugins de ma fabrication qui permettent des recherches personnalisées sur de nombreux sites de référence ou de vocabulaire anglais, français et anglais-français. Plus des ajouts spécialisés, souvent sous forme de livre ou, mieux, d'ebook, en fonction de chaque ouvrage à traduire. 

7) Lorsque vous rencontrez une difficulté, que vous êtes bloquée, comment-vous en sortez-vous?
Je vais me préparer un thé et si l'obstacle résiste :
en hiver, je rentre du bois,
en été, je vais piquer une tête,
à la mi-saison, je me balade.

8) Qu'aimez-vous le plus dans votre métier?
En dehors de mon plaisir de lectrice et du fait de le retransmettre : n'avoir pas d'horaires de bureau, pouvoir sacrifier à ma sieste quotidienne et ne pas devoir habiter en ville. Mes chats aussi sont ravis.


9) Exercer ce métier a-t-il fait de vous une lectrice différente?
Si l'on peut dire… Comme beaucoup d'auteurs, qui expliquent qu'en période d'écriture, la voix d'un autre auteur brouillerait la traduction sur le papier de la leur, je dois me concentrer sur la voix de quelqu'un d'autre et faire des acrobaties pour me l'approprier. Résultat : je lis pour l'essentiel entre deux contrats. (Sauf la poésie, que je peux avaler à n'importe quel moment de l'année et de la journée.)

Quant au roman que je lis pour le traduire, lors de la deuxième lecture, préalable au travail de traduction proprement dit, je le regarde plutôt avec un œil d'auteur que de simple lectrice, pour mieux comprendre sa construction au-delà de son ton et de son style. Mais il est vrai que je me lance dans l'écriture de roman ces temps-ci…

 10) Quel est votre meilleur souvenir en tant que traductrice?
Des fous rires de relecture d'épreuves avec des éditeurs complices.


11) Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un(e) apprenti(e) traducteur(trice)?
Si vous n'avez pas la fibre du livre et de la littérature, ne vous dirigez pas vers la traduction littéraire, qui implique un statut d'intello précaire.

mercredi 10 novembre 2010

"Crac...Badaboum. Bon sang! s'exclama l'inspecteur principal Dover"

Misfortune par Riolu19054


Crac…Badaboum.
— Bon sang ! – s’exclama l’inspecteur principal Dover – Mais vous faites quoi, Mills ??
— Rien, rien, je regardais…
— Bon… Reprenons. Je disais donc, victime ligotée à une chaise. Stigmates aux mains et aux pieds. Coupure dans le dos. Je dirais plutôt, entaille profonde. Aucune trace d’objet tranchant sur la table malgré le fait qu’on soit dans une cuisine. Impossibilité de détecter d’autres signes sur le corps de la victime : état de décomposition trop avancé. Couvert placés en croix. Verre rempli d’eau trouble.
Craaac ! Boum, boum, boum !
— Mills ! Nom de Dieu ! Vous avez tout foutu en l’air ! On vous a dit que ce fichu taudis menaçait de s’écrouler. Pourquoi faut-il que vous fourriez toujours vos sales pattes partout ? Et voilà, toutes les preuves sont perdues. Comment va-t-on faire maintenant, hein ?
— Désolé, chef.
— Et arrêtez d’être désolé ! Ça me met hors de moi !
— Mais…Chef…
— Taisez-vous et aidez-moi à dégager ce tas de bois pourri. Le corps était déjà bien bouffé par les vers. Il ne va plus rien nous rester…
— Chef ! Je crois qu’il a égaré sa tête, le malheureux.
— Je rêve… Tout ce qu’il nous fallait ! Mais cherchez-la, abruti, avant que je vous arrache la vôtre ! Non mais comment voulez-vous être efficace avec un débile pareil.
Plus qu’un an… – songea-t-il avec délice – Un an et je prends ma retraite… Ah… Comme je vais être bien dans mon jardin à ne déterrer que des fleurs…
— Chef ! Chef !
— Quoi ? Qu’est ce que vous avez cassé encore ?
— Rien, chef… J’ai retrouvé sa tête. Elle est dans un sale état par contre. Attendez, j’ôte les vers avant de vous la rendre. Ça grouille là-dedans ! Ah, il lui manque un œil. Vous pensez qu’il manquait déjà ou qu’on lui a enlevé ?
— Qu’est-ce que j’en sais moi ? Ne touchez pas à ces saloperies d’asticots ! C’est des preuves Mills, des preuves ! Et vous en avez suffisamment détruit comme ça ! Donnez-moi cette tête ! Je vais la mettre dans un sac plastique pour l’envoyer au labo. Il y a largement de quoi faire avec tout ça.
— Chef… C’est pas tout... Y a un papier dans le coin. Pile là où j’ai retrouvé le crâne.
— Eh bien, faites voir ! – s’emporta l’inspecteur Dover, impatient.
— Tiens, c’est bizarre… Y a une pièce scotchée sur le papier. Encore un objet comme dans l’enquête du mois dernier…
— Et vous pensez que c’est lié ?
— Laissez-moi réfléchir…
— Allez-y, prenez votre temps. Au point où on en est, je peux bien vous accorder cette faveur…
— « Cha-ri-té » – lut-il à haute voix – Mais oui !
— Un tueur rancunier ? – demanda l’inspecteur, perplexe.
— Mais non… C’est pourtant clair comme de l’eau de roche. Enfin dans ce cas-là, comme de l’eau bénite.
— Vous pouvez expliciter Mills ? Ce n’est pas que je sois bête, mais alors tous ces trucs de religion et moi, comment dire… Ça fait deux.
— Bon, pour faire court, la charité est une des sept vertus de la chrétienté. Le mot que nous avons trouvé le mois dernier indiquait « Foi » et était accompagné d’un chapelet. Vous pigez ? Ça fait deux vertus ! Manque plus que l’espérance, la prudence, la justice, la tempérance et la force ! Il reste cinq meurtres, chef. J’en suis pratiquement sûr…
Mais de là à savoir où ils se produiront, comment, pourquoi et par qui, c’en est trop pour moi…
— Ça, c’est mon boulot et celui des scientifiques, don’t worry. J’espère que la tête de ce pauvre homme suffira à nous aider pour traquer ce malade.
En tout cas, je dois dire que sur ce coup là, vous m’impressionnez… Vous n’êtes pas aussi bête que vous le laissez croire. Vous servez donc à quelque chose malgré vos conneries. Bien joué, Mills !

mardi 9 novembre 2010

Version de dimanche 7 - Horacio Quiroga, El espectro

A los tres días de la escena que acabo de relatar regresamos a Hollywood. Y un mes más tarde se repetía exactamente la situación: yo de nuevo a los pies de Enid
con la cabeza en sus rodillas, y ella queriendo evitarlo.
—Te amo cada día más, Enid...
—¡Guillermo!
—Dime que algún día me querrás.
—¡No!
—Dime solamente que estás convencida de cuánto te amo.
—¡No!
—Dímelo.
—¡Déjame! ¿No ves que me estás haciendo sufrir de un modo horrible?
Y al sentirme temblar mudo sobre el altar de sus rodillas, bruscamente me levantó la cara entre las manos:
—¡Pero déjame, te digo! ¡Déjame! ¿No ves que también te quiero con toda el alma y que estamos cometiendo un crimen?
Cuatro meses justos, ciento veinte días transcurridos apenas desde la muerte del hombre que ella amó, del amigo que me había interpuesto como un velo protector entre su mujer y un nuevo amor...
Abrevio. Tan hondo y compenetrado fue el nuestro, que aun hoy me pregunto con asombro qué finalidad absurda pudieron haber tenido nuestras vidas de no habernos encontrado por bajo de los brazos de Wyoming.
Una noche—estábamos en Nueva York—me enteré que se pasaba por fin El páramo, una de las dos cintas de que he hablado, y cuyo estreno se esperaba con ansiedad. Yo también tenía el más vivo interés de verla, y se lo propuse a Enid.
¿Por qué no?
Un largo rato nos miramos; una eternidad de silencio, durante el cual el recuerdo galopó hacia atrás entre derrumbamiento de nieve y caras agónicas.


***


Trois jours après la scène que je viens de raconter, nous retournâmes à Hollywood. Et un mois plus tard, la situation se répétait à l’identique : moi, de nouveau aux pieds d’Enid, la tête sur ses genoux, et elle désirant éviter ça.
— Je t’aime un peu plus chaque jour, Enid.
— Guillermo !
— Dis-moi qu’un jour, tu m’aimeras.
— Non !
— Dis-moi seulement que tu sais combien je t’aime.
— Non !
— Dis-le-moi.
— Laisse-moi ! Tu ne vois pas que tu es en train de me faire souffrir de façon horrible ?
Et en me sentant trembler, muet, sur l’autel de ses genoux, elle releva brusquement ma tête avec ses mains.
— Mais laisse-moi, je te dis ! Laisse-moi ! Tu ne vois pas que moi aussi, je t’aime de toute mon âme et que nous sommes en train de commettre un crime ?
Exactement quatre mois, à peine cent-vingt jours écoulés depuis la mort de l’homme qu’elle a aimé, de l’ami qui m’avait interposé comme un voile protecteur entre sa femme et un nouvel amour…
J’abrège. Notre amour fut si profond et si harmonieux, que je me demande encore aujourd’hui avec étonnement, quelle finalité absurde auraient pu avoir nos vies si nous ne nous étions pas rencontrés grâce à Wyoming.
Un soir – nous étions à New-York –, j’ai appris qu’on passait enfin Le désert, un des deux films auxquels j’ai fait allusion, et dont on attendait la première avec anxiété. J’étais moi aussi, très curieux de le voir. Je le proposai donc à Enid.
Pourquoi pas ?
Nous nous regardâmes un long moment ; une éternité de silence, durant laquelle, le souvenir galopa vers le passé, parmi de grosses chutes de neige et des visages agonisants.

lundi 8 novembre 2010

Version de vendredi 5 - Horacio Quiroga, El espectro

Pero entre él y yo se había levantado algo más consistente que una sombra. Su mujer fue, mientras él vivió—y lo hubiera sido eternamente—, intangible para mí.
Pero él había muerto. No podía Wyoming exigirme el sacrificio de la Vida en que él acaba de fracasar. Y Enid era mi vida, mi porvenir, mi aliento y mi ansia de vivir, que nadie, ni Duncan—mi amigo íntimo, pero muerto—, podía negarme.
Vela por ella. . . ¡Sí, mas dándole lo que él le había restado al perder su turno: la adoración de una vida entera consagrada a ella!
Durante dos meses, a su lado de día y de noche, velé por ella como un hermano.
Pero al tercero caí a sus pies.
Enid me miró inmóvil, y seguramente subieron a su memoria los últimos instantes de Wyoming, porque me rechazó violentamente. Pero yo no quité la cabeza de su falda.
—Te amo, Enid—le dije—. Sin ti me muero.
—¡Tú, Guillermo!—murmuró ella—¡Es horrible oírte decir esto!
—Todo lo que quieras—repliqué—. Pero te amo inmensamente.
—¡Cállate, cállate!
—Y te he amado siempre... Ya lo sabes...
—¡No, no sé!
—Sí, lo sabes.
Enid me apartaba siempre, y yo resistía con la cabeza entre sus rodillas.
—Dime que lo sabías...
—¡No, cállate! Estamos profanando...
—Dime que lo sabías...
—¡Guillermo!
—Dime solamente que sabías que siempre te he querido...


***

Cependant, entre lui et moi, s’était dressé quelque chose de plus consistant qu’une ombre. Sa femme fut, pendant qu’il était en vie – et elle l’aurait été éternellement –, intouchable pour moi.
Mais il était mort. Wyoming ne pouvait pas exiger de moi le sacrifice de la Vie dans laquelle il venait d’échouer. Et Enid était ma vie, mon avenir, mon souffle, ma soif de vivre, que personne, pas même Duncan – mon ami intime, mais décédé –, ne pouvait me refuser.
Veille sur elle… Oui, mais en lui donnant ce qu’il lui avait enlevé en perdant son tour : l’adoration d’une vie entière consacrée à elle !
Pendant deux mois, à ses côtés jour et nuit, je veillai sur elle comme un frère.
Toutefois, au troisième mois, je tombai à ses pieds.
Enid me regarda, immobile, et les derniers instants de Wyoming revinrent sûrement à sa mémoire car elle me rejeta violemment. Mais je n’ôtai pas ma tête de sa jupe.
    Je t’aime, Enid ! – lui dis-je –. Sans toi, je me meurs.
    Toi, Guillermo ! – murmura-t-elle – C’est horrible de t’entendre dire cela !
    Tout ce que tu veux – répliquai-je –. Mais je t’aime immensément.
    Tais-toi, tais-toi !
 —    Et je t’ai toujours aimée… Tu le sais bien…
    Non, je ne sais pas !
    Si, tu le sais.
Enid me repoussait toujours, et moi je résistais, la tête entre ses genoux.
    Dis-moi que tu le savais…
    Non, tais-toi ! Nous sommes en train de profaner…
    Dis-moi que tu le savais…
    Guillermo !
    Dis-moi seulement que tu savais que je t’ai toujours aimée…

jeudi 4 novembre 2010

J-1!!!

Une lettre par neon_lilith


En route pour Arles avec la classe!!

Demain commencent les 27e Assises de la traduction en Arles.
Le thème : Traduire la correspondance : Le programme.
Pendant trois jours, nous assisterons à des conférences, des ateliers de traductions, des rencontres...


Un week-end qui promet d'être enrichissant :)

mercredi 3 novembre 2010

Bonne nouvelle!!!

Translate_your_love par KCELphotography



Enfin! J'ai reçu mes livres tant attendus pour la traduction longue.
Sur trois livres, je ne devrai en choisir qu'un que je traduirai pour le mois d'août!
Ces livres doivent bien évidemment ne jamais avoir été traduits...
Mon choix s'est porté sur le Chili car je suis tombée amoureuse de la culture de ce pays et de sa langue lors d'un séjour il y a deux ans et demi. (Je dis langue parce que même si on y parle l'espagnol, il est différent de celui d'Espagne).


Les trois concurrents sont : Y tú no me respondes de Poli Délano (2010)
                                                        El maquillador de cadáveres de Jaime Casas (2007)
                                                       Post Humo de Mario Valdonvinos (2010)


Allez, hop! Il va falloir se mettre à la lecture maintenant!

L'ami qui m'a envoyé les livres m'a offert un film : EL REY de los huevones. Ça promet :)

Une autre partie du texte d'Horacio Quiroga, Espectro

Cette semaine, nous traduisons une version (proposée aux étudiants préparant le Capes) tous les deux jours : lundi 1, mercredi 3, vendredi 5 et dimanche 7.
Voici celle d'aujourd'hui...


Duncan no lo veía. ¿Cómo podía verlo?
A la entrada del invierno regresamos a Hollywood, y Wyoming cayó entonces con el ataque de gripe que debía costarle la vida. Dejaba a su viuda con fortuna y sin hijos. Pero no estaba tranquilo, por la soledad en que quedaba su mujer.
—No es la situación económica—me decía—, sino el desamparo moral. Y en este infierno del cine...
En el momento de morir, bajándonos a su mujer y a mí hasta la almohada, y con voz ya difícil:
—Confíate a Grant, Enid... Mientras lo tengas a él, no temas nada. Y tú, viejo amigo, vela por ella. Sé su hermano...No, no prometas. Ahora puedo ya pasar al otro lado...
Nada de nuevo en el dolor de Enid y el mío. A los siete días regresábamos al Canadá, a la misma choza estival que un mes antes nos había visto a los tres cenar ante la carpa. Como entonces, Enid miraba ahora el fuego, achuchada por el sereno glacial, mientras yo, de pie, la contemplaba. Y Duncan no estaba más.
Debo decirlo: en la muerte de Wyoming yo no vi sino la liberación de la terrible águila enjaulada en nuestro corazón, que es el deseo de una mujer a nuestro lado que no se puede tocar. Yo había sido el mejor amigo de Wyoming, y mientras él vivió, el águila no deseó su sangre; se alimentó—la alimenté— con la mía propia.

***


Duncan ne le voyait pas. Comment pouvait-il le voir ?
Au début de l’hiver, nous sommes rentrés à Hollywood et à ce moment là, Wyoming fut pris d’un accès de grippe qui devait lui coûter la vie. Il laissait sa veuve avec de l’argent et sans enfants. Mais il n’était pas serein, à cause de la solitude dans laquelle se retrouvait sa femme.
—Ce n’est pas pour la situation économique –me disait-il–, mais pour la détresse morale. Et dans cet enfer du cinéma…
Au moment de mourir, en nous tirant sa femme et moi vers son oreiller, et d’une voix déjà affaiblie :
—Confie-toi à Grant, Enid… Tant que tu l’as lui, tu ne crains rien. Et toi, mon vieil ami, veille sur elle. Sois son frère… Non, ne promets rien. Maintenant, je peux partir dans l’autre monde…
Rien de nouveau dans la douleur d’Enid, ni dans la mienne. Sept jours après, nous retournions au Canada, à la même hutte estivale qui, un mois avant, nous avait vus dîner tous les trois devant la tente. Comme auparavant, Enid regardait maintenant le feu, étreinte par l’humidité glaciale, pendant je la contemplais, debout. Mais Duncan n’était plus.
Je dois l’avouer : à la mort de Wyoming, j’ai seulement perçu la libération de l’aigle terrible emprisonné dans notre cœur : le désir pour une femme qui se trouve à nos côtés et qu’on ne peut pas toucher. J’avais été le meilleur ami de Wyoming, et durant sa vie, l’aigle n’a pas désiré son sang ; il s’est nourri –je l’ai nourri– avec le mien.

lundi 1 novembre 2010

Horacio Quiroga, El espectro, 2

De todas las mujeres que conocí en el mundo vivo, ninguna produjo en mí el efecto que Enid. La impresión fue tan fuerte que la imagen y el recuerdo mismo de todas las mujeres se borró. En mi alma se hizo de noche, donde se alzó un solo astro imperecedero: Enid. La sola posibilidad de que sus ojos llegaran a mirarme sin indiferencia, deteníame bruscamente el corazón. Y ante la idea de que alguna vez podía ser mía, la mandíbula me temblaba. ¡Enid!
Tenía ella entonces, cuando vivíamos en el mundo, la más divina belleza que la epopeya del cine ha lanzado a miles de leguas y expuesto a la mirada fija de los hombres. Sus ojos, sobre todo, fueron únicos ; y jamás terciopelo de mirada tuvo un marco de pestañas como los ojos de Enid; terciopelo azul, húmedo y reposado, como la felicidad que sollozaba en ella.
La desdicha me puso ante ella cuando ya estaba casada. No es ahora del caso ocultar nombres. Todos recuerdan a Duncan Wyoming, el extraordinario actor que, comenzando su carrera al mismo tiempo que William Hart, tuvo, como éste y a la par de éste, las mismas hondas virtudes de interpretación viril. Hart ha dado al cine todo lo que podíamos esperar de él, y es un astro que cae. De Wyoming, en cambio, no sabemos lo que podíamos haber visto, cuando apenas en el comienzo de su breve y fantástica carrera creó -como contraste con el empalagoso héroe actual—el tipo de varón rudo, áspero, feo, negligente y cuanto se quiera, pero hombre de la cabeza a los pies, por la sobriedad, el empuje y el carácter distintivos del sexo.

***

De toutes les femmes que j’ai connues dans le monde réel, aucune n’a produit en moi l’effet que me fit Enid. L’impression a été si forte que l’image et le souvenir même de toutes les femmes s’effacèrent. La nuit est tombée sur mon âme, où un astre impérissable s’est élevé : Enid. La seule hypothèse que ses yeux en viennent à me regarder sans indifférence faisait brusquement s’arrêter mon cœur. En outre, devant l’idée qu’un jour elle pouvait être mienne, mes dents claquaient. Enid ! Elle possédait alors, lorsque nous vivions en ce monde, la beauté la plus divine que l’épopée du cinéma eût envoyé à des milliers de lieues alentours et exposé au regard fixe des hommes. Ses yeux, surtout, étaient uniques ; et jamais un regard de velours n’eut un encadrement de cils tel que celui des yeux d’Enid : du velours bleu, humide et tranquille, comme le bonheur qui sanglotait en elle. Le malheur me mena à elle alors qu’elle était déjà mariée. Il n’est pas question, maintenant, de taire des noms. Tout le monde se souvient de Duncan Wyoming, l’extraordinaire acteur qui, en débutant sa carrière en même temps que William Hart, eut, comme celui-ci et simultanément avec celui-ci, les mêmes vertus profondes de l’interprétation virile. Hart a donné au cinéma tout ce que nous pouvions attendre de lui et c’est un astre qui chute. De Wyoming, au contraire, nous ne savons pas ce que nous aurions pu voir, lorsqu’au tout début de sa brève et fantastique carrière, il créa –en contraste avec l’ennuyeux héros actuel- le type d’homme grossier, renfrogné, laid, négligeant et tout ce qu’on veut, mais un homme de la tête aux pieds, par sa sobriété, son entrain et le signe distinctif de son sexe.