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lundi 8 novembre 2010

Version de vendredi 5 - Horacio Quiroga, El espectro

Pero entre él y yo se había levantado algo más consistente que una sombra. Su mujer fue, mientras él vivió—y lo hubiera sido eternamente—, intangible para mí.
Pero él había muerto. No podía Wyoming exigirme el sacrificio de la Vida en que él acaba de fracasar. Y Enid era mi vida, mi porvenir, mi aliento y mi ansia de vivir, que nadie, ni Duncan—mi amigo íntimo, pero muerto—, podía negarme.
Vela por ella. . . ¡Sí, mas dándole lo que él le había restado al perder su turno: la adoración de una vida entera consagrada a ella!
Durante dos meses, a su lado de día y de noche, velé por ella como un hermano.
Pero al tercero caí a sus pies.
Enid me miró inmóvil, y seguramente subieron a su memoria los últimos instantes de Wyoming, porque me rechazó violentamente. Pero yo no quité la cabeza de su falda.
—Te amo, Enid—le dije—. Sin ti me muero.
—¡Tú, Guillermo!—murmuró ella—¡Es horrible oírte decir esto!
—Todo lo que quieras—repliqué—. Pero te amo inmensamente.
—¡Cállate, cállate!
—Y te he amado siempre... Ya lo sabes...
—¡No, no sé!
—Sí, lo sabes.
Enid me apartaba siempre, y yo resistía con la cabeza entre sus rodillas.
—Dime que lo sabías...
—¡No, cállate! Estamos profanando...
—Dime que lo sabías...
—¡Guillermo!
—Dime solamente que sabías que siempre te he querido...


***

Cependant, entre lui et moi, s’était dressé quelque chose de plus consistant qu’une ombre. Sa femme fut, pendant qu’il était en vie – et elle l’aurait été éternellement –, intouchable pour moi.
Mais il était mort. Wyoming ne pouvait pas exiger de moi le sacrifice de la Vie dans laquelle il venait d’échouer. Et Enid était ma vie, mon avenir, mon souffle, ma soif de vivre, que personne, pas même Duncan – mon ami intime, mais décédé –, ne pouvait me refuser.
Veille sur elle… Oui, mais en lui donnant ce qu’il lui avait enlevé en perdant son tour : l’adoration d’une vie entière consacrée à elle !
Pendant deux mois, à ses côtés jour et nuit, je veillai sur elle comme un frère.
Toutefois, au troisième mois, je tombai à ses pieds.
Enid me regarda, immobile, et les derniers instants de Wyoming revinrent sûrement à sa mémoire car elle me rejeta violemment. Mais je n’ôtai pas ma tête de sa jupe.
    Je t’aime, Enid ! – lui dis-je –. Sans toi, je me meurs.
    Toi, Guillermo ! – murmura-t-elle – C’est horrible de t’entendre dire cela !
    Tout ce que tu veux – répliquai-je –. Mais je t’aime immensément.
    Tais-toi, tais-toi !
 —    Et je t’ai toujours aimée… Tu le sais bien…
    Non, je ne sais pas !
    Si, tu le sais.
Enid me repoussait toujours, et moi je résistais, la tête entre ses genoux.
    Dis-moi que tu le savais…
    Non, tais-toi ! Nous sommes en train de profaner…
    Dis-moi que tu le savais…
    Guillermo !
    Dis-moi seulement que tu savais que je t’ai toujours aimée…

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