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vendredi 8 octobre 2010

Bernardo Atxaga, Un traductor en París

No había ninguna posibilidad de ayudarme, pero mis amigos trataron de franquear esa molesta realidad poniéndose en mi lugar y empujándome hacia lo que parecía una salida. "Deberías hacer un viaje", me decían, "un viaje te vendrá bien". A veces, cuando yo me mostraba especialmente testarudo o cuando me burlaba de sus aparentes buenas intenciones, que no tenían, les decía yo, otro objetivo que el de perderme de vista por una temporada, alguno de ellos se encolerizaba conmigo y me reprochaba mi actitud: "¿Sabes cómo se le llama a lo tuyo? Pues se le llama negativismo, agresividad, deseo de culpabilizar a los demás. Pero no se puede vivir así. Hay mucha gente que, a pesar de haber tenido accidentes bastante más graves que el tuyo, supera el trance y continúa adelante con optimismo". Ante invectivas como aquélla, yo permanecía mudo, como si el accidente también hubiera afectado a mi voz, y formaba, mentalmente, una respuesta que podría denominarse filológica : "Si estuviéramos en el siglo XIX", pensaba, "mi bienintencionado amigo no habría dicho negativismo, agresividad, deseo de culpabilizar a los demás, sino que se habría referido a la flaqueza, al rencor, a la envidia que el desgraciado siente hacia los que ríen y parecen vivir felices". No era, esa reacción mía, señal de desprecio hacia mi amigo; era, simplemente, cansancio, aburrimiento, indiferencia hacia la cháchara consoladora. Porque, para decirlo con una palabra que lo mismo sirve para el XIX que para el XX, la idea de que lo bueno o lo malo de esta vida dependen de la actitud es una paparrucha.

***
Il n’y avait aucun moyen de m’aider, mais mes amis essayèrent de dépasser cette réalité dérangeante en se mettant à ma place et en me poussant vers ce qui semblait être une issue. « Tu devrais faire un voyage », me disaient-ils, « un voyage te ferait du bien ». Parfois, lorsque je me montrais particulièrement entêté, ou lorsque je me moquais de leurs supposées bonnes intentions, je leur répondais qu’ils n’avaient pas d’autre but que celui de me perdre de vue pour un moment. L’un d’eux se mettait en colère contre moi et me reprochait mon attitude : « Sais-tu comment on appelle ce dont tu souffres ? Eh bien on l’appelle négativisme, agressivité, désir de faire culpabiliser les autres. Sauf qu’on ne peut pas vivre ainsi. Il y a de nombreuses personnes qui, bien qu’elles aient eu des accidents beaucoup plus graves que le tien, surmontent cette épreuve et vont de l’avant avec optimisme. » Face à de telles injures, je restais coi, comme si l’accident avait aussi affecté ma voix et je préparais, mentalement, une réponse que l’on pourrait qualifier de philologique : « Si nous étions au XIXème siècle », pensais-je, « mon ami bien-intentionné n’aurait pas parlé de négativisme, d’agressivité, de désir de faire culpabiliser les autres, mais il aurait fait référence à la faiblesse, à la rancœur, à l’envie que le malheureux ressent vis-à-vis de ceux qui rient et qui semblent vivre heureux ». Cette réaction que j’ai eue n’était pas une marque de mépris à l’égard de mon ami : c’était, simplement, de la fatigue, de l’ennui, de l’indifférence à la rengaine consolatrice. Parce que, pour le dire avec un mot qui sert autant pour le XIXème que pour le XXème siècle, l’idée que le bien et le mal de cette existence dépendent du comportement est une foutaise.

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