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vendredi 8 octobre 2010

Mario Benedetti, Mellizos

MELLIZOS
Leandro y Vicente Acuña eran gemelos, tan pero tan iguales que ni siquiera los padres eran capaces de dife­renciarlos. No era raro que uno de los dos cometiera un desaguisado y la bofetada correctiva la recibiera el otro. En la etapa estudiantil todas fueron ventajas. Se repartían cuidadosamente las materias. Si eran ocho, cada uno estudiaba cuatro y rendía dos veces el mismo examen, una como Leandro y otra como Vicente. Para ese par de aprovechados la sinonimia orgánica constituía normalmente una diversión, y cuando se encontraban a solas repasaban, a carcajada limpia, las erratas de la jornada.
Leandro era un centímetro más alto que Vicente, pero nadie andaba con un metro para comprobarlo. Por añadidura, ambos usaban boinas, una verde y otra azul, pero se las intercambiaban sin el menor es­crúpulo.
El problema sobrevino cuando conocieron a las hermanas Brunet: Claudia y Mariana, también mellizas gemelas y turbadoramente idénticas. Como era previsible, los Acuña se enamoraron de las Brunet y viceversa. Dos a dos, seguro, pero quién de quién.
Claudia creyó prendarse de Leandro, pero su pri­mer beso apasionado lo recibió Vicente. Ese error también originó el conflicto interno entre los Acuña, y no fue totalmente resuelto con el recurso del humor.
En otra ocasión, Vicente fue al cine con Mariana.
Cuando la película llegó a su fin y se encendieron las luces, ella contempló el brazo desnudo del mellizo de turno, y dijo, con un poco de asombro y otro poco de sorna: «Ayer no tenías ese lunar».
El desenlace de aquellas semejanzas encadenadas fue más bien sorpresivo. Una tarde en que Claudia viajaba en un taxi junto a su padre, al chofer le vino un repentino desmayo y el coche se estrelló con­tra un muro. El chofer y el padre quedaron malheri­dos pero sobrevivieron. Claudia, en cambio, murió en el acto.
En el concurrido velatorio, Leandro y Vicente se abrazaron con una llorosa y angustiada Mariana. De pronto ella puso distancia con el doble abrazo, y se dirigió, con paso inseguro, a la habitación donde ya­cía el cuerpo de la pobre Claudia. Los mellizos se mantuvieron, en respetuoso silencio, simplemente como dos más en el grupo de dolientes.
Pasados unos minutos, reapareció Mariana. Con una servilleta, suplente de pañuelo, enjugó su última edición de lágrimas. Los mellizos la miraron inqui­sidoramente, como preguntándole: «Y ahora ¿con quién?».
Ella entonces englobó a ambos con una declara­ción que era sentencia irrevocable: «Espero que com­prendan que ahora sólo soy la mitad de mí misma. Gracias por haber venido. Ahora vayanse. No quiero verlos nunca más».
Se fueron, claro, cabizbajos y taciturnos. Horas más tarde, ya en su casa, Leandro tomó la palabra: «Hermanito, creo que se acabó nuestro doblaje. De ahora en adelante, tenemos que diferenciarnos. Digamos que yo me tiño de rubio y vos te dejas la bar­ba. ¿Qué te parece?».
Vicente asintió, con gesto grave, y sólo tuvo áni­mo para comentar: «Está bien. Está bien. Pero te su­giero que mañana vayamos al fotógrafo para que nos tome nuestra última imagen de mellizos».

***

JUMEAUX
Leandro et Vicente Acuña étaient des jumeaux, tellement mais tellement ressemblants que même leurs parents étaient incapables de les différencier. Il n’était pas rare que l’un des deux fasse une bêtise et que ce soit l’autre qui reçoive la gifle corrective. L’époque de leurs études ne fut qu’avantages. Ils se distribuaient soigneusement les matières. S’il y en avait huit, chacun en étudiait quatre et rendait deux fois le même examen, l’un au nom de Leandro et l’autre au nom de Vicente. Pour ces deux profiteurs la synonymie organique était généralement une distraction, et lorsqu’ils se retrouvaient seuls ils se rappelaient, en riant comme des baleines, les erreurs de leur journée.
Leandro faisait un centimètre de plus que Vicente, mais personne ne se promenait avec un mètre pour le vérifier. En prime, tous deux portaient un béret, l’un vert et l’autre bleu, mais ils se les échangeaient sans le moindre scrupule.
Les complications survinrent quand ils firent la connaissance des sœurs Brunet : Claudia et Mariana, elles aussi jumelles et identiques de façon troublante. Comme on aurait pu le prévoir, les Acuña tombèrent amoureux des Brunet et vice-versa. Deux par deux, bien sûr, mais qui avec qui ?
Claudia crut s’éprendre de Leandro, mais ce fut Vicente qui reçut son premier baiser passionné. Cette erreur contribua aussi à créer le conflit interne entre les Acuña, et l’humour ne suffit pas à le régler complètement.
Une autre fois, Vicente alla au cinéma avec Mariana.
Lorsque le film se termina et que les lumières se rallumèrent, elle contempla le bras nu du jumeau de garde, et dit, à la fois étonnée et moqueuse : « Tu n’avais pas ce grain de beauté hier ».
Le dénouement de ces ressemblances enchaînées fut plutôt surprenant. Durant une après-midi où Claudia circulait en taxi avec son père, le chauffeur fut soudainement pris d’un malaise et la voiture s’écrasa contre un mur. Le chauffeur et le père furent grièvement blessés mais ils survécurent. Claudia, par contre, mourut sur le coup.
Lors de la veillée funèbre où du monde affluait, Leandro et Vicente serrèrent dans leurs bras une Mariana en pleurs et angoissée. Brusquement elle s’éloigna de cette double étreinte, et elle se dirigea, d’un pas incertain, vers la chambre dans laquelle gisait le corps de la pauvre Claudia. Les jumeaux observèrent un silence respectueux, simplement, comme deux membres qui s’ajoutaient au cercle des endeuillés.
Quelques minutes après, Mariana réapparu. À l’aide d’une serviette, qui lui servait de mouchoir, elle sécha son dernier flot de larmes. Les jumeaux la regardèrent de façon inquisitrice, comme s’ils lui demandaient : « Et maintenant, tu choisis qui ? ».
Alors, elle s’adressa à tous les deux avec une déclaration qui s’apparentait à une sentence irrévocable : « J’espère que vous comprenez que désormais je ne suis plus que la moitié de moi-même. Merci d’être venus. Maintenant allez-vous-en. Je ne veux plus jamais vous voir ».
Ils partirent, bien sûr, la tête basse et sans dire un mot. Des heures plus tard, arrivés chez eux, Leandro prit la parole : « Petit frère, je crois qu’on va arrêter notre manège. Dorénavant, on doit se différencier. Disons que moi je me teins en blond et que toi tu te laisses pousser la barbe. Qu’en penses-tu ? ». Vicente acquiesça, le visage grave, et il eu juste le courage de répondre : « D’accord. D’accord. Mais je te propose d’aller demain chez le photographe pour qu’il prenne une dernière photo de nous en tant que jumeaux ».

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