Rechercher dans ce blog

vendredi 8 octobre 2010

Mario Benedetti, Gracias por el fuego

La ventana se abre a la calma chicha. Allá abajo, los plátanos. Por lo menos la mitad de las hojas están inmóviles, y el movimiento de las otras es apenas un estremecimiento. Como si alguien les hiciera cosquillas. Transpiro como un condenado. El aire está tenso, pero ya sé que nada va a estallar. ¿Qué puedo decirme? Éste es el momento, estoy seguro. En los días en que estuve alegre, siempre me falseé, siempre creí en lo que no soy, la vida color de rosa, etcétera. En las noches en que me sentí tan mal como para llorar a gritos, no lloré a gritos sino silenciosamente, tapado por la almohada. Pero allí también uno exagera. No se puede ser lúcido con el pecho
hinchado de congoja, o de desesperación. Mejor llamémosle desesperación. Sólo para mí, claro. Que los demás cuelguen sus etiquetas: hipocondría, neurastenia, luna. Yo he llegado a un pacto conmigo mismo y por eso la llamo desesperación. Éste es el momento, estoy seguro,
porque no estoy alegre ni desesperado. Estoy, cómo decirlo, simplemente tranquilo. No, ya me falseo. Estoy horriblemente tranquilo. Así está mejor.

***

La fenêtre s’ouvre sur le calme plat. Là, en bas, les platanes. Au moins la moitié des feuilles sont immobiles et le mouvement des autres est à peine un frémissement. Comme si quelqu’un les chatouillait. Je transpire comme un condamné. L’air est tendu, cependant je sais déjà que rien ne va exploser. Que puis-je me dire ? C’est le moment, j’en suis certain. Les jours durant lesquels j’ai été joyeux, je me suis toujours menti, j’ai toujours cru à ce que je ne suis pas, la vie en rose, et cætera. Les nuits durant lesquelles je me suis senti si mal au point de pleurer bruyamment, je n’ai pas pleuré bruyamment mais en silence, la tête sous mon oreiller. Mais là aussi c’est exagéré. On ne peut pas être lucide lorsqu’on a la poitrine gonflée d’angoisse, ou de désespoir. Appelons plutôt cela du désespoir. Uniquement pour moi, bien sûr. Que les autres collent leurs étiquettes : hypocondrie, neurasthénie, versatilité. Moi, j’ai conclu un pacte avec moi-même et c’est pour cela que je l’appelle désespoir. C’est le moment, j’en suis certain, parce que je ne suis ni joyeux, ni désespéré. Je suis, comment dire, simplement tranquille. Non, je me mens encore. Je suis horriblement tranquille. Comme ça c’est mieux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire