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vendredi 8 octobre 2010

Elvira Lindo, Manolito Gafotas 6, Yo y el imbécil

LOS DE MI BARRIO SE QUEJAN
Lo que te voy a contar en este capítulo de mi vida no se lo cuentes a nadie, porque en este capítulo lloro, y los capítulos en que lloro me dan un poco de vergüenza. Dice mi abuelo que cuando uno tiene tantos libros sobre su vida es normal que de vez en cuando el protagonista (yo, por ejemplo) llore por una terrible desgracia; dice mi abuelo que al lector eso le gusta muchísimo, que el lector se pone a llorar también como si la desgracia fuera suya. Qué lector más raro. Los lectores que yo conozco, que viven todos, por cierto, en Carabanchel Alto, cada vez que el protagonista las pasa canutas se parten el pecho de risa, sobre todo si ese protagonista soy yo. El chulo de mi barrio, Yihad, dice que cuando más le gustan los libros de mi vida es cuando me tropiezo, o cuando mi madre me da una colleja, o cuando él me rompe las gafas. Yihad, además de chulo, es un mentiroso, porque su propia madre me dijo un día:
—No le hagas caso, Manolito; si éste no abre un libro ni aunque salga él.
Al principio, en mi barrio, todos compraron el primer tomo de mi biografía por la novedad y para ver si salían, pero luego dejaron de comprarlos porque se enfadaron bastante, no sólo por cómo los sacaba yo, sino también por cómo los dibujaba Emilio Urberuaga. La sita Asunción vino a clase diciendo que a ella la había sacado como una foca, y a todos nos dio tanta risa que la sita dijo que no quería volver a ver a ningún niño con un libro de los míos entre las manos. Mi vecina la Luisa dijo que tal y como la había sacado ese individuo en los dibujos, parecía que ella tenía lo menos 50 años.
—Pero, Luisa —le dijo mi madre—, es que tú tienes 52.
—¡Sí, pero eso él no lo sabe, y estarás de acuerdo conmigo, Cata, en que yo aparento diez menos de los que tengo! Un artista no hace eso, un artista te saca favorecida, o no te saca, o que saque a su madre.
—Pero qué me vas a contar a mí, Luisa —le dijo mi madre—, si a mí me pinta siempre con una barbilla que parezco un pelícano.
El señor Ezequiel también protestó porque dice que en los dibujos nunca se aprecian las reformas que ha hecho en el bar:
—Y, verdaderamente, tengo El Tropezón en la actualidad que parece un bar de París, pero este señor parece que no se entera.
—¡O que no se quiere enterar! —dijo un cliente que también salió retratado en uno de los libros. Mi padre también se queja, se queja de que siempre lo saca muy gordo:
—¡Y yo nunca he tenido esa tripa, Cata, nunca la he tenido!
La verdad es que no conozco a nadie de mi barrio que esté contento con cómo ha salido en los libros. Miento, hay uno: el Imbécil, que le encanta vacilar con que el dibujante siempre lo saca en las portadas; pero a mi madre no le hace gracia que siempre lo dibujen con el chupete puesto, porque dice que eso es reírle la gracia.
—Estoy yo intentando quitarle al niño la manía del chupete, y el tío me lo tiene que pintar siempre con el chupete.
Digo que al principio la gente compraba los libros en mi barrio, pero dejaron de hacerlo porque decían que no se iban a gastar un dinero en verse gordos y feos y haciendo el ridículo. Asimismo se lo soltaban a mi madre por la calle, y luego ella me decía:
—Hay que ver, Manolito, que me vas a acabar enemistando con todo el mundo.
—Yo no, mamá; es la que escribe los libros, que siempre se queda con lo peor de lo que le cuento.

LES GENS DE MON QUARTIER SE PLAIGNENT.

Ne raconte à personne ce que je vais te dire dans ce chapitre de ma vie, parce que je pleure dans ce chapitre, et que les chapitres où je pleure, j’en ai un peu honte. Mon grand-père dit que quand quelqu’un a autant de livres sur sa vie, c’est normal que parfois le personnage (moi, par exemple) pleure à cause d’un terrible malheur ; il dit que le lecteur aime énormément ça, qu’il se met à pleurer lui aussi comme si le malheur était le sien. Il est bizarre ce lecteur. Les lecteurs que je connais, qui vivent tous, bien sûr, dans le Haut Carabanchel, se plient en quatre à chaque fois que le personnage en voit de toutes les couleurs. Surtout si ce personnage c’est moi. Le crâneur de mon quartier, Yihad, prétend que lorsque les livres de ma vie lui plaisent le plus c’est quand je me casse la figure, ou quand ma mère me met une calotte, ou encore quand il casse mes lunettes. Yihad, en plus d’être un crâneur, c’est un menteur, parce que sa propre mère m’a dit un jour :
Ne l’écoute pas, Manolito ; il n’ouvre jamais un livre même s’il y apparaît.
Au début, dans mon quartier, tout le monde a acheté le premier tome de ma biographie pour la nouveauté et pour voir s’ils étaient cités. Mais ensuite ils ont arrêté de les acheter parce qu’ils se sont beaucoup fâchés. Pas seulement à cause la manière dont je les décrivais, mais aussi à cause de la manière dont Emilio Urberuaga les dessinait. Madame Asunción est venue faire cours en disant qu’il l’avait faite comme un phoque, et ceci nous fit tous tellement rire que la professeure dit qu’elle ne voulait plus revoir aucun élève avec un de mes livres entre les mains. Ma voisine Luisa dit que de la façon dont ce type l’avait peinte dans ses dessins, on aurait dit qu’elle avait au moins 50 ans.
Mais, Luisa -lui dit ma mère-, tu en as 52.
Oui, mais ça lui il ne le sait pas, et tu seras d’accord avec moi, Cata, que j’en fais dix de moins que ceux que j’ai ! Un artiste ne fait pas ça. Un artiste te dessine à ton avantage, ou il ne te dessine pas, ou alors il n’a qu’à dessiner sa mère.
Mais pourquoi tu viens te plaindre à moi, Luisa -lui répondit ma mère-, s’il me reproduit toujours avec un menton qui me donne l’air d’être un pélican.
Monsieur Ezequiel rouspéta aussi parce qu’il dit que dans les dessins on ne remarque jamais les changements qu’il a faits dans le bar :
Ah, vraiment, le Tropezón a l’air d’un bar parisien maintenant, mais on dirait que cet homme ne s’en rend pas compte.
Ou qu’il ne veut pas s’en rendre compte ! -dit un client qui dont le portrait était également apparu dans un des livres. Mon père aussi se plaint, il se plaint qu’il le dessine toujours très gros :
Non mais j’ai jamais eu ce ventre, Cata, jamais je l’ai eu !
Le fait est que je ne connais personne dans mon quartier qui soit content de la façon dont il est représenté dans les livres. Je mens, il y’ en a un : l’Imbécile, qui adore frimer parce que le dessinateur le représente toujours sur les couvertures ; mais ça agace ma mère qu’on le dessine toujours avec sa sucette à la bouche, parce qu’elle dit que c’est se moquer de lui.
Alors moi j’essaye d’enlever cette manie de la sucette au petit, et il faut toujours que ce type me le dessine avec sa sucette.
Je dis qu’au début les gens achetaient mes livres dans mon quartier, mais ils ont cessé de le faire parce qu’ils disaient qu’ils n’allaient pas gaspiller leur argent pour se voir gros, laids et ridicules.
D’ailleurs, ils balançaient ça à ma mère dans la rue, et ensuite elle me disait :
Il faut faire quelque chose, Manolito, parce que tu vas finir par monter tout le monde contre moi.
Moi non, maman ; c’est celle qui écrit les livres, elle garde toujours le pire de ce que je raconte.

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